Réforme de la PCH : quel intérêt pour les DYS ? – Alain Moret
Réforme de la PCH : quel intérêt pour les DYS ? Alain Moret
Malgré la multiplication des colloques, formations, publications… le syndrome dys-exécutif demeure aujourd’hui encore le moins connu des troubles dys. Du reste, et cela n’est forcément pas sans lien, les classifications internationales elles-mêmes – dont on sait l’impact au niveau des décisions des MDPH notamment – s’obstinent à l’ignorer. Pourtant, il est admis depuis quelque temps qu’un déficit de ces fonctions pourrait bien « constituer un marqueur transdiagnostique de différents types de perturbations développementales, en lien avec un ensemble de facteurs de risque génétiques et environnementaux[1]« .
Parallèlement, le monde de la pédopsychiatrie et ses professionnels – encore très largement nourri aux doctrines psychanalytiques et à leur paradigme – « veillent au grain » et n’entendent pas se laisser dessaisir de troubles qui, pour eux, constituent – peut-être davantage encore que les autres troubles dys – une sorte de « chasse gardée » du fait qu’ils affectent le comportement global du sujet et ce qui, pour ainsi dire, le définit : son « attitude », sa sociabilité, sa capacité d’adaptation, sa gestion des émotions, sa logique de pensée via ses compétences langagières… En d’autres termes, l’idée que cette sphère touchant et impliquant la personnalité et la subjectivité même du sujet puisse être corrélée au fonctionnement – ou au dysfonctionnement – de certains réseaux de neurones, outre de constituer un changement radical de modèle, demeure encore inconcevable pour beaucoup.
Dys et Fonctions exécutives
Pourtant, un nombre non négligeable d’enfants et de jeunes qui ont été reconnus porteurs d’un trouble dys présentent des troubles exécutifs. Parmi eux les TDA/H sont les plus connus. Déficit d’attention, impulsivité, possible hyperactivité… ces difficultés ne perturbent pas seulement les acquisitions scolaires mais tout autant le comportement général des sujets qui en souffrent. D’autres, diagnostiqués comme dyslexiques, dyspraxiques, dysphasiques…, n’en sont pas pour autant protégés. Autant dire que les troubles dys sont rarement « purs » et que nombreuses sont les « comorbidités ». Ce point est encore trop souvent négligé faute de diagnostics suffisamment rigoureux. Une chose pourtant est de présenter une pluralité (association) de dys – on parlera alors de multidys – une autre est de savoir démêler l’écheveau de la cause et de la conséquence.
Là intervient l’hypothèse de troubles exécutifs qu’il s’agit impérativement de vérifier. Présenter des troubles dans un secteur de la cognition (praxies, lexie, phasie, calcul…) ne signifie pas que le sujet présente un syndrome à part entière, « isolé ». Les fonctions exécutives longtemps dites supérieures – nous disons aujourd’hui « transversales » et « intégratives » – jouent en effet le rôle de « chef d’orchestre ». Elles interviennent lorsque le sujet est confronté à des situations nouvelles et que les routines ne suffisent plus à initier et organiser ses actions de manière pertinente selon l’environnement et le contexte. Complexes et tentaculaires, ces fonctions contrôlent et régulent l’ensemble du fonctionnement mental et peuvent donc être responsables de dysfonctionnements électifs au niveau des autres secteurs d’où les confusions possibles en termes de diagnostic. Le sujet présente-il un dys associé à un trouble attentionnel, un déficit d’inhibition… et on pourra alors parler de troubles associés ou de multi-dys. Ou a-t-on plutôt à faire à un trouble exécutif qui aura comme infiltré les autres fonctions cognitives ? En termes de prise en charge, de répartition des aides et de priorité, trancher ce point sera essentiel ! Entreprendre la « rééducation » de troubles praxiques sans savoir si ces troubles sont « purs », « premiers » (on parlera en ce cas de « dys-cause ») ou s’ils résultent d’un autre dysfonctionnement (on parlera alors de dys-symptômes) risque bien de conduire à l’échec. Ainsi, penser aider un enfant chez qui sont avérés des troubles praxiques en utilisant l’outil informatique (traitement de texte) n’a de chance d’être efficace que s’il s’agit bien d’un trouble « pur » (une dyspraxie) ce qui ne sera pas le cas si la cause de ses troubles est à chercher dans un déficit exécutif. Si, en effet, pour exemple, l’usage du clavier pourra compenser ses difficultés sur le plan du graphisme (formation des lettres…) il ne règlera pas les problèmes du sujet en termes de mémoire de travail, d’inhibition, de persévérations, d’attention si celui-ci présente un trouble exécutif.
Les Fonctions exécutives – rappel
On distingue depuis quelque temps des fonctions exécutives « froides » et des fonctions exécutives « chaudes ». Si les premières ont un impact sur les apprentissages, notamment scolaires, les secondes influent sur le comportement du sujet. Dans les deux « cas » elles signalent pour le sujet des difficultés – voire une impossibilité – à s’adapter aux situations complexes et nouvelles, à initier une action pertinente et par un processus de feedback à l’évaluer et la faire évoluer si nécessaire, à déterminer l’objectif visé et les moyens (étapes) à mettre en œuvre pour l’atteindre (planifier, organiser) enfin gérer les émotions afférentes à l’acte entrepris. Reconnaitre que ces compétences sont essentielles tant sur le plan des apprentissages que sur le plan social et comportemental permet de comprendre pourquoi la plupart des enfants qui présentent un trouble dys sont susceptibles de présenter des difficultés sur le plan exécutif.
Quel avenir pour ces jeunes ? La réforme de la PCH
Identifier ces liens tramés entre fonctions cognitives électives et fonctions exécutives sera ainsi déterminant lorsque se posera, immanquablement, la question, au-delà de l’école, de l’avenir et de l’autonomie de ces jeunes. Préoccupation majeure des familles, cette question fondamentale n’avait reçu aucune réponse jusqu’à lors. Pourtant les besoins des adultes qui présentent des troubles sur le plan exécutif sont spécifiques – comme l’étaient du reste lorsqu’ils étaient enfants et élèves – et il importe qu’ils soient identifiés avec précision s’ils doivent être pris en compte efficacement. C’est ce à quoi se sont employées différentes associations[1] dont le travail a contribué à proposer une amélioration réelle de la PCH qui, avant, ne concernait qu’assez peu les sujets dys. Publié le 20 avril 2022, le décret n° 2022-570 est entré en vigueur le 1er janvier 2023. Ainsi que le précise l’association Handéo[2], il apporte « quatre changements majeurs : la modification de la liste des activités pour l’éligibilité générale à cette prestation, le changement des critères d’accès à l’élément aides humaines, l’ajout de deux actes essentiels de l’existence et la création d’un nouveau domaine d’aide humaine ». Ce texte ajoute une nouvelle activité à celles déjà prévues par la loi : entreprendre des tâches multiples. Celle-ci inclut plus précisément le fait non seulement d’être en mesure de les effectuer mais de les mener à terme de manière indépendante ou en groupe ; de les réaliser dans des délais contraints ce qui suppose de savoir planifier, anticiper, exécuter et vérifier des tâches, acquérir un savoir-faire, gérer son temps, résoudre des problèmes… tâches qui sont toutes typiquement exécutives.
Concrètement, cela suppose de maîtriser son comportement dans ses relations avec autrui, notamment pour faire face à des situations impliquant de la nouveauté ou de l’imprévu susceptibles de générer du stress. D’entretenir et de maîtriser ces relations selon les circonstances, ce qui suppose de contrôler ses émotions et ses pulsions, d’éviter toute agressivité verbale et/ou physique, d’agir selon les règles et conventions sociales – toutes tâches qui, là encore, sont éminemment exécutives et que peinent à réaliser non seulement les sujets présentant un syndrome dys-exécutif mais les dys affectés par ces troubles.
Enfin autre avancée, le temps d’aide est attribué sur un crédit capitalisable sur une durée d’un an ce qui permet une souplesse compatible avec la fluctuation et la variété des besoins de la personne. Plusieurs cas de figure sont ainsi prévus qui permettent de ne pas limiter le volume d’heures d’aide à une seule année et donc de ne pas avoir à réeffectuer chaque fois une demande. Par ailleurs, ce temps est cumulable avec ceux attribués pour les actes essentiels de l’existence et/ou la surveillance régulière.
Vers une évolution de la notion d’aides humaines
De l’introduction de ces changements majeurs découle la création d’un nouveau domaine d’aides humaines baptisé « soutien à l’autonomie ». Ce domaine concerne plus particulièrement les situations de handicap liées aux altérations des fonctions mentales où se manifestent des difficultés plus ou moins sévères :
• à gérer ses émotions, notamment dans des situations nouvelles et imprévues ;
• sur le plan attentionnel et mnésique (planification, organisation, initiative, exécution, exécution et gestion du temps des activités habituelles ou inhabituelles) ;
• à s’adapter aux codes sociaux et à la communication ;
• dans le domaine de la métacognition (évaluer ses capacités, la qualité de ses réalisations et connaître ses limites) ;
• à traiter correctement certaines informations sensorielles (notamment hypo ou hyper sensorialité).
Troubles exécutifs et vie quotidienne
De nombreuses activités de la vie quotidienne ont vocation à bénéficier de ces aides dont :
• assurer « les actes nécessaires pour vivre dans un logement (incluant les activités domestiques, la gestion administrative des « papiers » et la gestion financière) ;
• se déplacer en dehors de celui-ci (y compris pour prendre les transports) ;
• participer à la vie en société ;
• gérer ses relations avec autrui, y compris en dehors de la famille proche ou des aidants ;
• identifier ses besoins d’aide ;
• prendre des décisions adaptées ;
• prendre soin de sa santé ;
• mettre en œuvre de manière satisfaisante les habiletés de la vie quotidienne, la communication et les compétences sociales[3] ».
En conclusion
Cette révision d’un texte consacré à une prestation dont on n’aurait pu douter a priori qu’elle concerne les DYS ouvre pourtant des perspectives importantes qui sauront, nous l’espérons, ne pas décevoir les familles et les jeunes concernés, perspectives dont il faut bien reconnaitre qu’elles manquaient jusqu’à lors cruellement. Encore faudra-t-il que l’Etat y mette les moyens nécessaires en termes non seulement financiers mais de formation des aidants.
Alain MORET
Membre du conseil scientifique de la FFDys.
Auteur de plusieurs ouvrages sur le syndrome dys-exécutif
[1] Autisme France, Handéo, HyperSupers TDAH France, UNAFAM, UNAPEI.
[2] Cf handicap.fr
[3] Cf Handicap.fr
[1] Cf Les fonctions exécutives chez l’enfant. Arnaud ROY, Nathalie FOURNET, Didier LE GALL, Jean-Luc ROULIN. Ed. De Boeck Supérieur. Paris, 2021. Introduction. P. 9.
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Références générales
– Le syndrome-exécutif chez l’enfant et l’adolescent – répercussions scolaires et comportementales. 2ème édition. Alain Moret, Michèle Mazeau – Editions Elsevier Masson- 2019
– L’adulte avec un trouble dys-exécutif – L’accompagner dans sa vie quotidienne, sociale et professionnelle – Alain Moret, Editions Elsevier Masson – 2022
– Le syndrome dys-exécutif, les cacophonies du chef d’orchestre – Revue Le cercle psy – 2014 N° 14
Cf CNSA https://www.cnsa.fr/documentation/dt_evolution_pch_2022-vf2.pdf
– Décret n° 2022-570 du 19 avril 2022 relatif à la prestation de compensation mentionnée à l’article D. 245-9 du code de l’action sociale et des familles.
– Mission PCH. Rapport de la mission Leguay – 28 juillet 2021.
Handicaps mentaux, cognitifs et psychiques : Quelles pistes pour améliorer l’accessibilité. Fiches du Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (CERTU).
– Guide de l’outil d’aide à la décision pour la Prestation de Compensation du Handicap Enfant. AIRMES – 2012.
Application PCH Enfant.
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BON À SAVOIR
Une formation à distance « PCH : éligibilité générale et aides humaines » incluant les changements liés au nouveau décret est proposée. Vous pouvez la suivre à votre rythme et en totale autonomie.
Thématique La prestation de compensation du handicap (PCH) : éligibilité générale et aides humaines (intégrant les modifications liées au nouveau décret)
La 1ère session proposée se déroulera du 20 janvier jusqu’au 15 mars 2023.
Les inscriptions se font en ligne (cliquer ICI) à compter du 2 janvier et jusqu’au 28 février 2023 – Code IEL : DADM8
Public cible : Personnels des MDPH