Les familles d’enfants DYS sont en droit d’attendre des pouvoirs publics une réponse coordonnée et davantage de moyens – Le Monde
[TRIBUNE]
Alors que des millions de personnes sont atteintes de troubles spécifiques du langage et des apprentissages, trois spécialistes du sujet appellent l’Etat, dans une tribune au « Monde », à mettre en place un plan d’action pour améliorer la prise en charge.
Certains troubles « dys » sont très connus – comme la dyslexie – d’autres méconnus, comme la dysphasie ou la dyscalculie. Les troubles « dys » touchent 7 millions de personnes en France. Ils représentent un défi majeur lancé à nos institutions éducatives et médicales, car l’avenir de centaines de milliers d’enfants dépend de la qualité de leur prise en charge. Ils sont même un défi pour notre société tout entière, car l’inégal accès à cette prise en charge est une atteinte au principe d’égalité des chances, un des fondements de notre contrat social.
Ce défi – reconnaissons-le – est de taille. Tout d’abord, les troubles « dys » sont difficiles à diagnostiquer et les personnes qui en souffrent en cumulent souvent plusieurs. Le risque d’une « errance diagnostique » qui peut durer des années est bien réel, avec des conséquences dramatiques surtout pour les enfants : échec scolaire, perte de l’estime de soi, etc.
Le volet thérapeutique est tout aussi complexe. La prise en charge des troubles spécifiques du langage et des apprentissages fait appel à de multiples compétences (médecine pédiatrique, pédopsychiatrie, orthophonie, psychomotricité, ergothérapie, psychologie, neuropsychologie, etc.) auxquelles il n’est pas toujours possible de recourir : selon les territoires, selon que les consultations sont ou non prises en charge par la Sécurité sociale ou les mutuelles et, bien sûr, selon le niveau d’expérience et de connaissance des praticiens.
Un plan pour coordonner les efforts
Au même titre que la France s’est emparée du sujet des troubles du spectre de l’autisme à travers des plans stratégiques pluriannuels, les familles d’enfants « dys » sont en droit d’attendre aujourd’hui des pouvoirs publics une réponse coordonnée de même ampleur.
Cette réponse devra, bien sûr, être celle des moyens. Plus de moyens pour les professionnels de santé et particulièrement ceux qui sont directement confrontés au désarroi des parents : les orthophonistes et les médecins généralistes.
Des ressources supplémentaires sont aussi attendues en faveur des dispositifs existants comme les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad), des équipes pluridisciplinaires et mobiles encore trop peu nombreuses qui interviennent notamment en milieu scolaire.
Une attention particulière doit être portée à la formation, notamment à destination des centres médico-psycho-pédagogiques pour les accompagner dans leurs efforts de transformation. Enfin, bien sûr, les centres de référence, qui fédèrent les compétences afin de dépister et prendre en charge les cas complexes, mais qui sont aujourd’hui saturés.
De nombreuses initiatives doivent être renforcées. Parmi elles, la plate-forme numérique Allo Ortho, qui fédère les principaux réseaux d’orthophonistes dans l’objectif d’apporter aux patients des informations, mais aussi – et surtout – une orientation pertinente vers les professionnels les plus adaptés.
Un annuaire numérique interactif prometteur
Parmi les « leviers » identifiés en 2018 par la Haute Autorité de santé pour améliorer le parcours de soins des enfants « dys » figure le Répertoire opérationnel des ressources, et de systèmes d’information partagés. Si ce projet d’annuaire numérique et interactif est prometteur, sa mise en œuvre prend du temps.
En attendant, des initiatives régionales telles qu’Occitadys pallient cette carence et recensent professionnels et associations afin d’orienter les familles vers des équipes pluridisciplinaires. Là encore, sans moyens considérables, mais grâce à des outils d’information, on parvient à tracer des « raccourcis » dans le chemin parfois sinueux des parcours de soins.
La démocratisation des nouvelles technologies doit par ailleurs être favorisée. Des outils simples comme les ordinateurs portables ou les logiciels correcteurs qui apportent une aide précieuse aux enfants « dys » sont encore peu utilisés en classe, faute de pédagogie auprès des enseignants, qui y voient un risque de triche.
D’autres dispositifs et logiciels médicaux à visée thérapeutique représentent un espoir. Leur reconnaissance par les pouvoirs publics est en marche et ils démontreront sans doute leur utilité pour soutenir au quotidien l’action des professionnels de santé et favoriser l’adhésion des enfants à la rééducation.
Relever le défi des troubles « dys » requiert des moyens, bien sûr, mais aussi de la créativité voire du bon sens, une approche de coconstruction avec les associations de familles, et une révolution de l’information pour fluidifier les parcours de soins. Il en va sans doute de même pour beaucoup d’autres défis auxquels notre système de santé doit aujourd’hui faire face.
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5 Avril 2023 • lemonde.fr
« Les familles d’enfants DYS sont en droit d’attendre des pouvoirs publics une réponse coordonnée et davantage de moyens »