18 déc. 2023 – Communiqué de presse – Préoccupations de la FFDys quant à l’impact potentiellement négatif des annonces du ministre de l’Éducation nationale.

18 déc. 2023 - Communiqué de presse - La FFDys exprime des préoccupations quant à l’impact potentiellement négatif des annonces du ministre de l’Éducation nationale.

COMMUNIQUÉ DE PRESSE • 18 DÉCEMBRE 2023
La FFDys exprime des préoccupations quant à l’impact potentiellement négatif des annonces du ministre de l’Éducation nationale : redoublement, groupe de niveau, brevet…

Le ministère de l’Éducation nationale a récemment annoncé plusieurs mesures, suscitant des réactions mitigées de la part de la Fédération Française des Dys (FFDys). Bien que des aspects tels que la labellisation des manuels de lecture, l’enseignement explicite et la méthode de Singapour soient salués, certaines mesures suscitent des inquiétudes.

La FFDys s’inquiète notamment de la réintroduction du redoublement, soulignant que cela affecte fréquemment les élèves dysphasiques en maternelle, les enfants dyspraxiques au primaire, et les élèves dyslexiques et dyscalculiques à l’élémentaire. Elle conteste la décision de donner aux enseignants le dernier mot sur le redoublement, soulignant que cela va à l’encontre de la coopération parents-enfants essentielle, notamment pour les enfants en situation de handicap.

La création de groupes de niveau en français et mathématiques au collège est également critiquée. Des études mentionnées suggèrent des effets négatifs de cette différenciation, et la FFDys craint que les élèves « Dys » soient injustement confondus avec ceux ayant des difficultés scolaires, entraînant une perte de chance.

L’obligation d’obtenir le brevet pour entrer en seconde à partir de 2025 est contestée en raison de la mise en place inégale des aménagements préconisés par les Plans d’Accompagnement Personnalisé (PAP) et les Projets Personnalisés de Scolarisation (PPS), ce qui peut affecter les élèves « Dys ».

Enfin, la FFDys appelle à une démarche d’accessibilité universelle pour les manuels scolaires, soulignant l’importance de prendre en compte les besoins des élèves dys, notamment en rendant les supports de cours adaptés au format numérique.

En conclusion, la FFDys exprime des préoccupations quant à l’impact potentiellement négatif de ces mesures sur l’inclusion des élèves « Dys », appelant à une réflexion approfondie et à une coordination avec les familles et les professionnels de santé pour éviter un retour en arrière.

Lire l’avis détaillé de la FFDys, relu par son comité scientifique, ci après…

ANNONCES DU MINISTRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE : REDOUBLEMENT, GROUPE DE NIVEAU, BREVET…

Pour la FFDys, des mesures semblent aller dans le bon sens comme la labellisation des manuels de lecture, l’enseignement explicite, la méthode de Singapour, mais certaines interrogent beaucoup.
Un retour en arrière pour les élèves porteurs de troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA – troubles « Dys » : dysphasie, dyslexie, dyspraxie…) ?
Les troubles « Dys » sont durables, persistants tout au long de la vie. Les estimations globales issues des travaux récents de la Haute Autorité de Santé 1 révèlent une prévalence de l’ordre de 8% des enfants par classe d’âge pour l’ensemble des troubles.
Ainsi, si on considère une classe d’âge et en prenant ceux nés en 2020 de l’ordre de 735 000, ce sont 58 800 enfants par classe d’âge en France qui seraient porteurs d’un TSLA. L’ampleur de cette donnée démontre que la prise en compte effective des enfants porteurs d’un TSLA est certes un problème de santé publique, mais plus généralement de société.

L’avis de la Fédération Française des Dys sur quelques mesures particulièrement injustes pour
les enfants « Dys » :

•-• Fin du tabou sur le redoublement : les professeurs auront le dernier mot, et des stages de réussite pourraient être prescrits aux élèves.

Concernant les élèves « Dys », nous observons que des redoublements sont fréquemment proposés par les enseignants en
• grande section de maternelle pour les élèves dysphasiques alors même que l’entrée dans la lecture et donc le passage en CP permet à un certain nombre d’entre eux de remédier à leurs difficultés de langage oral,
• en primaire pour les enfants dyspraxiques dans l’idée qu’une année supplémentaire permettra de normaliser les difficultés d’écriture manuscrite, ce qui est une erreur,
• en élémentaire pour les élèves dyslexiques, dyscalculiques… dont la lecture et le calcul sont en décalage par rapport à leur tranche d’âge, alors même que les interventions pédagogiques qui ont fait la preuve de leur efficacité ne sont quasiment jamais mises en place (notamment : approche réponse à l’intervention 2).
Par ailleurs, il est indiqué sur le site du ministère que « l’élève ne maîtrisant pas la lecture en fin de CP redoublera son année dans le cadre d’un parcours adapté ». Sachant que les difficultés de maîtrise de la lecture définissent la dyslexie, cela revient à décider que la très grande majorité des élèves dyslexiques redoubleront leur CP, au détriment de leur avenir.
Cette mesure est particulièrement choquante quand on connaît la difficulté pour les enseignants de faire la différence entre difficultés scolaires et troubles Dys et par ailleurs le manque cruel d’orthophonistes pour réaliser des bilans et mettre en place des remédiations dès le CP.

Tous les jours, nous constatons que les particularités des élèves « Dys » sont mal comprises par les enseignants, qui n’ont souvent reçu aucune formation leur permettant de les appréhender. Un dialogue entre les professionnels de santé, les enseignants et les parents est essentiel pour éviter que des redoublements décidés pour de mauvaises raisons entravent leur trajectoire scolaire.

En donnant le dernier mot aux enseignants, plutôt qu’aux parents, le ministre met à mal la coopération parents-enfants indispensable pour tous les élèves porteurs de troubles et s’inscrit en décalage avec la loi de février 2005 pour tous les enfants en situation de handicap.

Il nous paraît donc indispensable que le dernier mot ne soit pas donné aux enseignants pour faire redoubler des enfants dont les difficultés sont liées à des troubles « Dys » et dont ils ne comprennent pas les mécanismes.

Cela fait plus de 20 ans que la majorité des études 3 démontre que le redoublement n’a pas d’effet sur les performances scolaires à long terme. Le redoublement est une modalité́ de différenciation de moins en moins courante. Très coûteux, il a été largement étudié́ et de nombreuses études concluent à son inefficacité́, voire à son impact négatif sur les apprentissages des élèves, sur leur estime de soi et sur leur persévérance. Ainsi, le CNESCO conclut que « le redoublement a des impacts scolaires et psychosociaux négatifs sur les élèves », tout comme l’Éducation Endowment Foundation (EEF) qui signale que de tels effets négatifs sont rares dans le domaine éducatif. « Être stigmatisé sur ses difficultés et être contraint de ne plus suivre ses camarades participent au développement du sentiment d’incompétence, source future de décrochage. Par ailleurs, être conduit à « redoubler », c’est-à-dire à refaire de la même façon ce que l’on n’est pas parvenu à apprendre une première fois, est un piètre choix pédagogique 4. »

En sus, le redoublement est un vecteur d’accroissement de la reproduction des inégalités sociales. D’après les données de PISA 2012, un élève de 15 ans issu d’un milieu défavorisé́ a une probabilité́ trois fois plus élevée qu’un élève issu d’une classe sociale moyenne ou supérieure d’avoir redoublé.

•-• Création de groupes de niveau en français et mathématiques au collège à partir de la rentrée prochaine.

Les études portant sur la différenciation par la création de classes ou groupes de niveau concluent unanimement à une absence d’effets, voire à des effets négatifs. Ainsi, la synthèse des travaux de recherche sur ce domaine réalisée par Hattie (2023) conclut à une absence d’effets. En particulier, un résumé de 13 méta-analyses indique que la création de classes ou groupes de niveau a un petit effet négatif (-0,03, équivalant à une progression de l’élève du 50e au 49e percentile) et que les effets ne varient pas en fonction des compétences des élèves : ni les élèves les plus performants ni les élèves les moins performants ne bénéficient de la mise en place de classes de niveau (Steenbergen-Hu, S., Makel, M. C., & Olszewski-Kubilius, P., 2016).

Pour Marie Duru-Bellat, la recherche est assez claire : dès lors que la réussite en primaire reste marquée par des inégalités sociales significatives, des classes de niveaux scolaires seraient aussi des classes consacrant une ségrégation sociale. Avec pour conséquence, sur le plan scolaire, une moindre progression des élèves concentrés dans les classes faibles, du fait de processus bien explorés par la recherche : les élèves faibles, en étant d’autant plus conscients qu’ils sont regroupés entre eux, développent des attitudes moins favorables au travail, les enseignants adaptent à la baisse leurs attentes et la couverture des programmes, tandis que les élèves moyens et bons (de même que nombre d’enseignants) font tout pour quitter ces classes 5.

Concernant les élèves « Dys », il y a un risque majeur qu’ils soient systématiquement confondus avec des enfants présentant des difficultés scolaires et affectés à des groupes de niveau faible en dépit de leurs capacités conceptuelles. Or, on peut avoir un trouble « Dys » et être compétent scolairement si les moyens de compensation de la fonction défaillante sont mis en place. Ainsi, parmi les enfants accompagnés par la FFDys, un certain nombre ont eu des parcours scolaires de très bon niveau poursuivi par des études supérieures réussies. La répartition des enfants dans des groupes de niveau, sans prise en compte des particularités de leurs troubles « Dys », conduira à une perte de chance.
En revanche, pour les élèves « Dys », la mise en place de groupes de besoin qui est un mode de différenciation plus flexible et moins stigmatisant a des effets positifs (voir la dernière note datant de novembre 2023 d’IDEE : https://www.idee-education.org/_files/ugd/ab9408_6e7e9ce9d04a4265b14e77e916d03fe9.pdf)

Il faut absolument que le ministère précise ses consignes aux enseignants : il doit s’agir de groupes de besoin, dont la composition doit être constamment réévaluée, en fonction des besoins de chaque élève dans chaque matière à chaque moment de l’année. Les enseignants peuvent notamment tirer parti de ces groupes de besoin pour offrir aux élèves qui ont des besoins particuliers en lecture ou en calcul des interventions ciblées. Et les enseignants doivent remanier ces groupes en fonction des progrès de chacun.

Ce qu’il faut absolument éviter pour les élèves «Dys », c’est qu’ils soient définitivement affectés à des groupes de faible niveau. C’est ce qui risque de se passer si les consignes du ministère restent trop vagues et si les enseignants comprennent qu’ils doivent faire des groupes de niveau « à l’ancienne ».

•-• Le brevet deviendra obligatoire pour entrer en seconde à partir de la session 2025

Les aménagements préconisés par les PAP et PPS sont loin d’être systématiquement mis en place au collège où les élèves sont confrontés à de multiples enseignants. Cette absence de mise en œuvre des mesures compensatoires est à l’origine de notes ne reflétant pas les compétences et connaissances des élèves « Dys ». Dans ces conditions, conditionner le passage en seconde à l’obtention du brevet est inéquitable.

Le brevet deviendrait un diplôme reconnu sur le plan européen ? Pourquoi autant d’exigence ?

Les conséquences pour les élèves « Dys » qui ne bénéficieront pas des aménagements pédagogiques lors de leur scolarité et aux examens prévus dans les projets d’accompagnement personnalisés (PAP) faute de médecin scolaire pour les signer devront rester au collège ? Les élèves en dispositif Unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) dispensés de passer le brevet par choix de l’équipe éducative, seront privés d’accès aux voies professionnelles ?

•-• Financement de certains manuels

L’Éducation nationale orientera désormais le choix des manuels scolaires à fournir aux élèves de primaire grâce à un système de label accordé à ceux dont « l’efficacité des contenus a été prouvée par la science et par la pratique ». « À l’instar des modèles appliqués au Japon ou au Portugal », les « professeurs du terrain » participeront à cette labellisation. Même si c’est « une compétence des collectivités locales », l’État financera des manuels « en lecture et mathématiques » pour tous les élèves de CP et CE1.

La FFDys souhaite que l’Éducation Nationale adopte dans ce cadre, une démarche d’accessibilité universelle qui permettra à tous les élèves « Dys » de pouvoir utiliser leurs manuels en classe sans en être empêché par leur trouble. Au-delà des manuels scolaires, nous souhaitons que tous les supports de cours soient adaptés, notamment au format numérique. Cela permettra aux élèves qui utilisent des aides techniques de travailler en autonomie.

Pour conclure, certaines mesures annoncées apparaissent comme défavorables pour les enfants porteurs de troubles « Dys » si leur application est faite sans prise en compte de leurs particularités et sans coordination avec les familles et les professionnels de santé.

Nous attendons du gouvernement qu’une réflexion soit menée afin d’éviter un retour en arrière concernant l’inclusion des élèves « Dys ».

1. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-01/guide_tsla_vf.pdf (page 7)
2. https://ramus-meninges.fr/2018/05/27/approche-reponse-a-lintervention-difficultes-lecture-2/
3. https://www.cnesco.fr/redoublement/effets-du-redoublement-et-croyances/
4. Sylvain Connac, Antidote n°9, 2016.
5. Cahiers Pédagogiques le 15 mars 2022 | Par Marie Duru-Bellat

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