Le secteur médico-social souhaite plus de coopérations pour construire l’école inclusive – HOSPIMEDIA

Emmanuelle Deleplace, publié le 3/04/19

Éducation
Le secteur médico-social souhaite plus de coopérations pour construire l’école inclusive
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Interrogées par la commission d’enquête parlementaire sur l’inclusion des élèves handicapés, les fédérations du secteur ont rappelé la nécessité pour l’école de se transformer pour scolariser tous les enfants. Elles se disent prêtes à l’accompagner.

À l’Assemblée nationale, la commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés poursuit ses auditions. Le 2 avril, elle recevait les principales fédérations représentant les opérateurs médico-sociaux du secteur ainsi que le défenseur des droits. L’école inclusive est encore rarement une réalité, en particulier au-delà du cycle élémentaire pour Bénedicte Kail, conseillère éducation famille d’APF France handicap : « L’école fait une place aux élèves handicapés à condition qu’ils soient capables de s’adapter. On est encore dans l’intégration. Pourtant le corpus législatif est correct mais ce qui manque c’est son application et les moyens afférents. » Elle rappelle ainsi que, depuis 2006, le nombre d’élèves handicapés scolarisés en milieu ordinaire a progressé de 240% alors que celui des enseignants référents n’a progressé que de 58,5%. APF France handicap souhaite que chaque enseignant référent suive au maximum 100 élèves alors qu’à ce jour certains traitent plus de 300 dossiers par an.

Des moyens pour l’école, des programmes à adapter

Enseignants référents surchargés, plans personnalisés de scolarisation (PPS) peu précis, enseignants peu ou mal formés, manquant de temps de concertation avec les enseignants ressources et les professionnels du secteur médico-social, classes chargées… pour APF France handicap, les conditions ne sont pas aujourd’hui réunies pour faciliter l’inclusion scolaire. Bénédicte Kail insiste aussi sur la nécessité de déconnecter l’inclusion scolaire des enfants handicapés de la question des programmes et des acquisitions attendues par l’école en fonction des classe d’âge. Selon elle, on a longtemps considéré que les enfants polyhandicapés ne pouvaient pas apprendre mais un travail conjoint entre les enseignants et des professionnels médico-sociaux a permis d’adapter les programmes de maternelle et de développer des unités d’enseignement, même si elles sont encore trop peu nombreuses.

Les troubles du neurodéveloppement exclus

Cette question de l’adaptation de programmes est centrale pour les élèves souffrant de troubles du neurodéveloppement (déficience intellectuelle, autisme, troubles de l’attention et Dys).  » La réalité vécue par nombre de familles n’est pas tolérable. On avance mais on ne progresse pas, estime Emmanuel Jacob, administrateur de l’Unapei, notamment pour ces enfants, contraints de quitter l’école ordinaire précocement. Ainsi seuls 8% des enfants souffrant de troubles cognitifs atteignent la classe de CM1. De plus, selon l’enquête de l’Éducation nationale en 2016, 41% des enfants handicapés à l’école bénéficiaient d’un temps de scolarisation inférieur ou égal à un jour par semaine. »

S’il se réjouit des collaborations menées entre le secteur médico-social et l’Éducation nationale, notamment dans le cadre des unités d’enseignement pour les élèves autistes, Emmanuel Jacob rappelle qu’en dehors de ces dispositifs précis, l’externalisation des unités d’enseignement des établissements médico-sociaux (UEE) dans les établissements scolaires se fait à moyens constants. Autrement dit, mécaniquement lorsqu’une UEE est ouverte pour dix élèves tous les jours aux mêmes horaires que les autres classes de l’école, on diminue le temps de scolarisation des autres enfants de l’institut médico-éducatif (IME). « Il n’y a pas de taux type d’encadrement mais en moyenne dans nos établissements le temps enseignant correspond à un poste pour 25 à 50 enfants », précise-t-il.
Il rappelle également les limites liées au cadre bâti dans les établissements scolaires tant pour les UEE que pour les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) parfois contraints de réaliser leurs interventions dans les couloirs. Il insiste pour que les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) évitent l’écueil des notifications prononcées en fonction de l’offre existante.

Inégalités territoriales et Pial

Ali Rabeh, directeur de cabinet du président de l’Apajh, pointe les inégalités territoriales. « Il est plus facile de trouver une solution de scolarisation satisfaisante à Paris qu’à Mayotte. » Citant le lycée de Bourdonnières à Nantes (Loire-Atlantique), souvent mis en avant par le cabinet de la secrétaire d’État Sophie Cluzel, où l’Apajh a installé il y a déjà trente ans un plateau médico-social, il ajoute : « Nous ne pouvons plus nous contenter de quelques établissements pilotes exemplaires. » L’Apajh demande la généralisation de véritables schémas territoriaux à l’image ce qui a été mis en place en région Auvergne-Rhône Alpes (lire notre article).

L’Apajh ne cache pas non plus son inquiétude sur la généralisation des pôles inclusifs d’enseignement localisé (Pial) désormais inscrits dans le projet de loi pour une école de la confiance (lire notre article). « Il est quand même assez baroque d’envisager la généralisation d’un dispositif dont on n’a pas le début du commencement d’une évaluation, commente Ali Rabeh. D’autant que,
comme ils se développent aujourd’hui, les Pial ne laissent aucune place au champ médico-social et la loi ne prévoit pas de changement. Enfin, s’ils se mettent en place à l’échelon d’un collège, les Pial risquent de mettre en péril le principe même de l’école inclusive au niveau du quartier car on pourrait voir apparaître des spécialisations d’écoles par trouble. »

Quelle place pour le médico-social ?

Bérengère Chatellier, responsable du pôle emploi, travail protégé et vie sociale de l’Apajh regrette que le décret du 2 avril 2009 destiné à favoriser la coopération entre l’école et le secteur médico-social n’ait jamais été évalué : « Nous ne savons toujours pas combien d’UEE ont été créées, ni quel est le temps effectif de scolarisation, malgré les demandes répétées du Comité consultatif national des personnes handicapées (CNCPH). » Un avis partagé par Jacques Toubon, le défenseur des droits, qui a été auditionné à la suite des associations. Pour permettre des parcours fluides et adaptables à chacun, Bérengère Chatellier réclame aussi plus de souplesse tant dans les autorisations que dans les notifications, à l’instar des recommandations du rapport d’inspection sur le fonctionnement en dispositif intégré des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep, lire notre article).
Nathalie Groh, présidente de la Fédération française des Dys, aimerait que la question de l’intervention des rééducateurs à l’école ne reste pas circonscrite au secteur médico-social car beaucoup de familles n’ont d’autre choix que de recourir aux professionnels libéraux, faute de place en Sessad.
« La question de l’inclusion scolaire de tous les enfants va devenir d’autant plus cruciale avec la scolarisation obligatoire dès 3 ans, estime Jacques Toubon, qui rappelle que c’est à l’école de s’adapter et non l’inverse. Pour autant, vouloir scolariser tous les enfants en milieu ordinaire, quelle que soit la lourdeur du handicap, peut constituer une forme de maltraitance. »

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Étude sur les notifications non satisfaites de l’Adapei de Loire-Atlantique
Associations et parlementaires s’accordent pour avoir une vison claire des notifications MDPH non satisfaites. Dans l’attente, l’Adapei de Loire-Atlantique a analysé ses propres listes d’attente. Elle enregistre 299 notifications non satisfaites en institut médico-éducatif (IME), 100 amendements Creton et 144 notifications non satisfaites en Sessad.

Sur les listes d’attente des IME :
• 10% des enfants sont à la maison sans solution ;
• 60% sont maintenus à l’école dans des conditions peu satisfaisantes ;
• 30% sont dans un IME moins adapté.

Sur les listes d’attente des Sessad :
• un tiers est sans solution ;
• un tiers est suivi par un autre service (centre médico-psychologique, centres d’action médico-sociale précoce ou pôle de
compétences et prestations externes) ;
• un tiers est suivi en libéral.

Emmanuelle Deleplace

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