Dysphasie chez l’adulte, comment surmonter ce trouble du langage – Santé Magazine

 

Dysphasie chez l'adulte : comment surmonter ce trouble du langage ? Santé Magazine


SANTÉ MAGAZINE
16/02/2022

Lorsqu’on a des difficultés à s’exprimer et à comprendre le langage oral, le dialogue n’est pas facile à instaurer, dans la vie professionnelle comme dans la vie privée. C’est tout le problème des adultes dysphasiques. Une prise en charge est possible chez un orthophoniste ou un neuropsychologue mais, en pratique, elle n’est pas toujours facile à mettre en œuvre.

La plupart du temps, la dysphasie est repérée à l’âge scolaire, en général entre 5 et 7 ans. Les enfants ayant du mal à s’exprimer, ils sont anormalement silencieux. Ils apprennent à lire, mais souvent plus lentement que les autres. À l’âge l’adulte, ce trouble de l’apprentissage du langage est plus difficile à repérer. Parmi les personnes concernées, beaucoup se débrouillent avec leurs difficultés, sans forcément demander de l’aide.

Dysphasie à l’âge adulte : quels sont les signes ?

Tout dépend du degré de sévérité du handicap. « Beaucoup d’adultes dysphasiques sont passés sous les radars de l’Éducation nationale », constate Marie-Hélène Marchand, neuropsychologue et orthophoniste. « Leurs difficultés orales ne se voient pas forcément dans la vie quotidienne. Mais on se rend compte qu’ils manquent de vocabulaire. On constate des anomalies syntaxiques dans les phrases complexes et des problèmes de concordance des temps. Ils ont également du mal à s’ajuster au discours des autres. »

Difficultés à comprendre les sous-entendus

Très souvent, les personnes dysphasiques ne saisissent pas les « non-dits », tous ces sous-entendus couramment employés dans une conversation entre adultes. « Ils ne comprennent pas le deuxième degré et les nuances de langage. Du coup, ils ont beaucoup de mal à gérer les codes sociaux. C’est comme s’ils étaient plongés dans un pays dont ils ne comprennent pas bien la langue », confirme Martine Rousseau, présidente de l’association Avenir Dysphasie France.

Pour donner un exemple, un dysphasique ne va pas comprendre une phrase à double sens comme « j’en ai plein le dos ». Il va la prendre au premier degré, se focaliser sur le dos, sans percevoir la fatigue sous-jacente. Une vraie source de malentendus.

Quelles sont les conséquences de ce trouble du langage oral au quotidien ?

La dysphasie complique le rapport aux autres. Ces difficultés de compréhension ont un impact important dans le milieu professionnel avec, par exemple, des difficultés à intervenir dans les réunions à plusieurs et à comprendre le propos ; ou encore des difficultés à développer ses motivations lors d’un entretien d’embauche.

Mais le problème se pose aussi dans la vie privée. Marie-Hélène Marchand se souvient d’une de ses patientes, souvent en colère contre son mari. « En réalité, il y avait un vrai problème de compréhension du langage dans ce couple », explique-t-elle.

Comment savoir si on est dysphasique ?

Le diagnostic de dysphasie a souvent été posé dans l’enfance. Mais ce n’est pas toujours le cas.

Qui consulter ?

Un adulte qui se débat avec des difficultés d’élocution et de compréhension du langage peut en parler à son médecin traitant. Le cas échéant, celui-ci l’orientera vers un orthophoniste ou un neuropsychologue.

Le diagnostic de dysphasie chez l’adulte se fait parfois de manière fortuite à l’occasion d’un bilan professionnel, comme en témoigne Marie-Hélène Marchand : « En général, ils nous consultent dans les périodes de changement, par exemple avant de prendre un nouveau poste. Certains nous demandent une évaluation dans le but de choisir la bonne orientation. D’autres – en général ceux qui n’ont pas été dépistés dans l’enfance – essaient de comprendre pourquoi ils rencontrent des difficultés professionnelles. »

Dysphasie et travail : quels métiers peut-on exercer ?

Dans la dysphasie, il n’y a pas de déficience intellectuelle. Mais le handicap que représentent les troubles du langage et les difficultés d’expression rendent problématique l’accès à certains métiers. « On imagine mal une personne dysphasique devenir avocat, commercial ou psychologue », note Marie-Hélène Marchand.

Mais, les dysphasiques ont d’autres atouts. Dès l’école, ils se montrent plutôt doués en maths, une forme de langage avec laquelle ils sont plus à l’aise que dans le domaine littéraire. Nombre d’entre eux font de brillantes études dans le domaine de l’informatique ou de la finance.

En revanche, les personnes atteintes d’une dysphasie sévère, ou qui présentent d’autres troubles Dys (dyslexie, dyscalculie…) ont un parcours plus chaotique. « Certains sont orientés vers un travail en milieu protégé ou un poste adapté en milieu ordinaire », constate Martine Rousseau.

Faut-il faire reconnaître ce handicap ?

Dans ce contexte, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) peut être utile, même si certains dysphasiques préfèrent ne pas s’en prévaloir devant leur employeur ou leurs collègues de travail. Dans tous les cas, la démarche est à effectuer auprès d’une Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). « Cette RQTH ouvre des droits à la retraite et, si le taux de handicap est important, à l’allocation adulte handicapé (AAH). Par ailleurs, les entreprises sont soumises à des quotas d’embauche de personnes reconnues handicapées. La RQTH ouvre également la possibilité d’aménagements de postes », explique Martine Rousseau. Pour certains, en particulier ceux qui ont des troubles dyslexiques, des logiciels d’aide à l’écriture et à la lecture peuvent faciliter le travail sur ordinateur. L’association les présente sur son site internet (rubrique Aide au langage).

Permis de conduire et troubles dys : des stages aménagés

Le permis de conduire est nécessaire dans certains emplois. Mais l’épreuve du code peut être difficile pour certains adultes dysphasiques. Les associations ont obtenu des aménagements pour toutes les personnes présentant des troubles dys. L’épreuve du code se déroule sur une période plus longue et elle peut être passée trois fois. L’association Avenir Dysphasie donne des conseils détaillés sur son site (rubrique Emploi).

Comment prendre en charge la dysphasie chez l’adulte ?

La rééducation à l’âge adulte est plus difficile que chez l’enfant. Chez un enfant dysphasique, le parcours est relativement balisé. Une fois repéré le retard d’apprentissage, des séances d’orthophonie sont prescrites. Elles permettent à l’enfant de surmonter en partie son handicap en l’aidant à mieux s’exprimer.

Cette rééducation du langage chez un orthophoniste est possible à tout âge. Mais, en pratique, cette prise en charge est plus difficile à mettre en œuvre que pour un enfant : « Dégager une heure par semaine pour se rendre chez un orthophoniste n’est pas évident. Les adultes sont très vite repris par leurs obligations familiales et professionnelles, et abandonnent. Finalement, l’important chez l’adulte est l’identification du problème et la pose du diagnostic », constate Marie-Hélène Marchand.

Par ailleurs, compte tenu de la pénurie d’orthophonistes, beaucoup de praticiens donnent la priorité à l’accueil des enfants pour la prise en charge de la dysphasie. « Il est très difficile de trouver des professionnels qui acceptent de s’occuper d’adultes », regrette Martine Rousseau.

Il est également possible de consulter un neuropsychologue, mais ces professionnels de santé ne sont pas nombreux. Formés à la psychologie, ils ont une spécialisation dans les troubles de la mémoire ou de l’attention. Comment souvent, les associations comblent en partie ce déficit de prise en charge.

Les associations : une aide précieuse

L’association Avenir Dysphasie a mis en place des clubs afin de permettre à de jeunes adultes de se rencontrer et de progresser ensemble. Des sorties et des week-ends sont organisés en commun. « Nous avons un groupe de 25-35 ans qui font du théâtre, encadrés par un art-thérapeute. Ils travaillent beaucoup sur les habiletés sociales lors des séances d’improvisation », explique Martine Rousseau. À Bordeaux et à Issy-les-Moulineaux, des web-radios ont vu le jour, sous l’égide d’un journaliste professionnel (à retrouver sur Youtube). Là encore, c’est l’occasion de travailler son élocution. « Et pourquoi pas s’entraîner au grand oral du bac », se réjouit Martine Rousseau qui compte bien renouveler l’expérience.

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