Troubles des apprentissages, que disent les chercheurs européens ?

Troubles des apprentissages, que disent les chercheurs européens ?

Pendant trois jours à Munich, l’European Dyslexia association a réuni une centaine d’experts internationaux pour partager les dernières recherches sur les troubles des apprentissages et la dyslexie. Les questions des outils numériques d’assistance, les difficultés spécifiques liées aux contextes multilingues, ainsi que celles liées à l’emploi font partie des présentations de ces trois jours.

Trouble du langage oral et dyslexie

En ouverture, la chercheuse du St John’s Collége d’Oxford Maggie Snowling, pose la question des liens entre troubles du langage oral (dysphasie) et la dyslexie. Contrairement à une idée reçue, tous les enfants qui présentent troubles spécifiques du langage oral ne deviendront pas dyslexiques quand ils apprendront à lire et à écrire. Les antécédents familiaux, les compétences phonologiques sont aussi à prendre en considération. Il est essentiel, explique Maggie Snowling de surveiller le développement de ces enfants qui ont eu un retard ou un trouble de langage et de lui apporter un soutien dès que le besoin apparaît.

Y a t-il des problèmes visuels dans certains cas de dyslexie ?

Le français Franck Ramus (CNRS, École normale supérieure) cherche à savoir s’il y a un lien direct entre certains troubles visuels et la dyslexie. Il ouvre sa démonstration en présentant au public une image de rayures horizontales dans un cercle.

Le cercle présenté par Franck Ramus : « voyez vous des mouvements ? des couleurs ?….

Puis il interroge le public : « voyez vous des mouvements dans l’image ? couleurs qui apparaissent ? La question de départ posée par le chercheur est de savoir s’il y a un lien entre le stress lié à la vision de ce type d’image et les difficultés d’apprentissage de la lecture. « Pas directement » conclue le chercheur.

La dyscalculie a-t-elle un lien direct avec la dyslexie ?

Kristina Moll de l’université de Munich propose une explication pour répondre à cette question et expliquer pourquoi dyslexie et dyscalculie sont souvent co-occurentes. De son côté, le grec Giannis Karagiannakis spécialiste des troubles de l’apprentissage du calcul voit lui, une grande diversité d’origine dans la dyscalculie.

 


Giannis Karagiannakis (Grèce) explique que la dyspraxie, le troubles de l’attention, les troubles autistiques peuvent être à l’origine de la dyscalculie

 

Les causes de la dyscalculie peuvent être selon lui recherchée dans d’autres troubles comme la dyspraxie, le déficit d’attention ou encore des troubles du spectre autistique.

 

Avez vous une bonne mémoire prospective ?

Une étude de la London South Bank University met en évidence les difficultés de « mémoire prospective » des jeunes dyslexiques. La « mémoire prospective », est celle qui permet de se souvenir de ce que l’on doit faire. C’est celle qui permet de planifier les taches. Les dyslexiques (enfants et adultes) ont souvent également des difficultés de mémoire prospective. « Ils oublient de ne pas oublier » explique avec humour le chercheur Jamie Smith-Spark. Cette dimension des troubles d’apprentissages devrait être prise en compte pour améliorer l’emploi des adultes « DYS ».

 

Teaching for neurodiversity.

Les britanniques de la British Dyslexia Association en lien avec l’université de Manchester ont mis en place des formations pour expliquer la « neurodiversité » aux enseignants. Au delà des normes et des idées reçues sur l’autisme, la dyslexie et les troubles des apprentissages, quelles pouvaient être les incidences de cette neurodiversité dans les apprentissages. A l’arrivée, 75% de ceux qui ont suivi la formation considèrent que cette formation les aide aussi pour enseigner aux enfants qui n’ont pas de diagnostic de troubles neuro-développementaux. Pour cette présentation voir ce lien :

http://www.bdadyslexia.org.uk/common/ckeditor/filemanager/userfiles/Delegates_pack_Primary/A_Guide_to_SpLD_Primary.pdf

 

Quand les troubles d’apprentissages sont pris en compte au sein d’une école bienveillante, les résultats sont spectaculaires.

L’Université de Vaxjö en Suède fait la démonstration qu’il n’y a plus de lien entre mauvaise estime de soi et difficulté de lecture. Une étude a montré que les enfants « DYS » n’avait pas une plus mauvaise estime d’eux-mêmes que les autres. Tout se passe comme si dans les écoles de cette ville du centre de la Suède, on avait accepté les enfants dans leur diversité et que ceux-ci ne se sentaient plus honteux ou coupables de leurs difficultés.

 

Identifier les troubles des apprentissages à l’âge adulte

L’équipe de l’université d’Aix-Marseille dirigée par Pascale Colé a conçu une adaptation du test orthophonique de l’« alouette » pour évaluer les difficultés de lectures des adultes. La neuropsychologue est partie du constat que, malgré leurs déficits phonologiques en lecture, certains étudiants dyslexiques parviennent aux études supérieures en compensant grâce à des processus « visuo-orthographiques ». C’est en s’appuyant sur des constats venus du terrain que l’équipe est en mesure aujourd’hui de présenter des résultats.

Pour les adultes « DYS », les italiens de Modène insistent sur la nécessité de procurer aux personnes à la fois des outils numériques de compensation mais aussi un accompagnement humain adéquat.

De Jeddah à Hong Kong, en passant par Jyväkkylä, la dyslexie a des conséquences différentes.

  • En arabe

« Y a-t’il des difficultés particulières avec la langue arabe ? » s’interroge la chercheuse Nadia Taibah? L’arabe est une langue « concatenative » explique t’elle. (Voir sur ce sujet cet article de l’Université de Lyon). C’est à dire que chaque mot est constitué d’un agrégat de syllabes. Cette chercheuse de l’université de Jeddah montre comment les compétences morphologiques des élèves leur permettent de mieux décomposer les mots en syllabes et d’en comprendre le sens.

Exemple de mots « concaténatifs » en arabe

  • En chinois

A HongKong les familles des enfants chinois préfèrent inscrire leurs enfants à l’école anglaise. Les trop grands décalages entre les sons de la langue et les pictogrammes du chinois écrit rend trop difficile l’apprentissage de la langue ! Consternée, la chercheuse

Américaine (qui vit entre Freibourg en Allemagne et Hong Kong) regrette que les familles en viennent à ce renoncement.

  • En finlandais

En Finlande les enfants issues de la minorité suédoise, (5,6% de la population) passent à travers les mailles du filet du repérage précoce des troubles d’apprentissage. Les deux langues sont reconnues officiellement bien qu’elles soient très différentes. L’étude d’Ann-Katrine Risberg de l’université de Jyväkkylä (Finlande) démontre que les difficultés des enfants dyslexiques sont parfois attribuées à tort à cette diversité linguistique.

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